Pages d'Histoire par Pierre Amiral

Les  Élections sénatoriales dans le Cantal

 Passons vite sur la 4ème République : la constitution de 1946 avait supprimé le Sénat  antérieur et appelé cette seconde  chambre  "le Conseil de la République" mais, rapidement, les "Conseillers" retrouvèrent le titre de sénateur et l'assemblée grappilla quelques  prérogatives supplémentaires. Durant ce temps là, le Cantal ne connut pratiquement que deux sénateurs, Paul PIALES l'aurillacois et Hector PESCHAUD le maire de Murat. Ce dernier disparut pratiquement en même temps que ladite  République  puisqu'il décéda subitement à Barcelone  le 19 septembre 1968 ; son mandat fut terminé par Louis Thioleron, par ailleurs maire de St Flour.

Élections sénatoriales de1971 :

 Les premières élections de la Vème République se déroulèrent le 26 septembre  1971 et ne firent pas beaucoup de bruit ; Paul MALASSAGNE et  Jean MÉZARD, candidats de  droite en sortirent aisément vainqueurs. Il faut souligner que le dernier nommé, homme de dialogue et  d'une haute stature morale, fut le valeureux rapporteur de la loi Veil au Sénat.

Puis le 28 septembre 1980 arriva :

 Là, la gauche ayant repris du poil de la bête présenta deux candidats socialistes : Robert MEYRONNEINC maire d'Arpajon et Joseph BOUDOU maire de Coltines. Maurice MONTEL de Ruynes, ancien député se présentait "gauche sans étiquette".

MM DEJOU et PARAN étaient candidats "divers modéré favorables à la majorité".

 Mais, l'intérêt  de ce scrutin, pour ceux qui suivent les vicissitudes de la chose publique, politique au sens noble du terme, fut ce qui se passa à droite.

Là, il  y avait rivalité  : Augustin CHAUVET, député, maire de Mauriac, conseiller général de Salers qui se présentait seul mais avec un suppléant de poids, Jean JULHES maire de St Flour,  d'un côté, et Paul MALASSAGNE, maire et conseiller général de Massiac associé à Paul ROBERT conseiller général de La Roquebrou de l'autre, si l'on peut dire!

 Augustin CHAUVET, député depuis 1956, surnommé l'assistante sociale des maires du Cantal tant il avait poussé de projets communaux en matière d'eau, d'école ou de chemins et de  surcroît créateur   du "Foyer cantalien",  cette magnifique machine à loger les gens financièrement modestes, était aux yeux de tous les observateurs, imbattable, même s'il s'était déclaré tardivement.  

 Quand le résultat du scrutin du premier tour fut annoncé dans la salle du palais de justice où se déroulait alors  les opérations de vote, ce fut une sidération générale : CHAUVET était largement devancé donc battu. Il avait obtenu 136 voix, MALASSAGNE 187 et ROBERT 167 ; il prit la route de Mauriac et ne se présenta pas au second tour.

 Les autres résultats du premier tour : MEYRONNEINC, 123 ; BOUDOU, 106; MONTEL, 59; DEJOU, 90 ; PARAN, 97.

 Pour le second tour, la droite et la gauche  s'affrontèrent ; cette dernière s'en tira fort honorablement puisque MEYRONNEINC recueillit 166 voix et BOUDOU, 161.

Les deux Paul, MALASSAGNE et ROBERT, avec respectivement 317 et 316 voix devinrent  les nouveaux sénateurs du Cantal ! Ils  avaient de longue date, soigneusement préparé leur coup.

 Mais cet épisode, somme toute banal, eut des répercussions politiques importantes. CHAUVET, légitimement  dépité,  démissionna de son siège de député et  de Conseiller général gardant  seulement celui de maire de Mauriac.

Il s'ensuivit, dans une abondante couche de neige, une élection législative partielle le 3 novembre qui permit au socialiste SOUCHON d'entrer au parlement ; c'était un bon entraînement pour son élection de député aux législatives de juin 1981 qui suivirent l'élection de MITTERRAND à la présidence de la République.

Mais surtout, il s'ensuivit une élection cantonale partielle qui dans cet informe canton de Salers, lequel  s'étire de la vallée de la Bertrande à la vallée du Mars,  amena le sympathique agriculteur  Roger RIGAUDIERE, maire de St Chamant,  au Conseil général et,  quelques années plus tard, au Conseil régional d'Auvergne  puisque la droite voulait un agriculteur  dans sa liste ; et ce n'était pas fini !

Le 24 septembre 1989 vint à son tour.

 Les sortants -MALASSAGNE et ROBERT- ne se représentant pas, trois équipes s'affrontèrent : Roger BESSE et Roger RIGAUDIERE pour le RPR  -BESSE s'était dit que dans un département comme le Cantal un agriculteur serait une bonne chose et il choisit celui dont nous avons parlé plus haut et dont nous savons d'où il venait. Yves DEBORD maire de Sansac  et Joseph BOUDOU, maire de Coltines pour le parti socialiste plus trois divers droite -2+1.

Le Résultat du premier tour fut le suivant :

 BESSE 301 voix, 56,90% élu ; RIGAUGIERE 263 voix 49.72% ; DEBORD 193 voix 36.48 % et BOUDOU 154 voix, 29.11%.

Le second tour vit la victoire de RIGAUGIERE, 307 voix 58.14% sur DEBORD, 220 voix 41, 67%.

Les choses furent claires BESSE et RIGAUDIERE étaient les nouveaux sénateurs du Cantal.

Le scrutin du 27 septemebre  1998 fut un peu plus compliqué.

 Etaient candidats : Roger BESSE et Roger RIGAUDIERE pour le RPR, Pierre JARLIER seul pour l'UDF, Roger DESTANNES, maire d'Arpajon  et Pierre CHAMPAGNAC, maire de Fontages  pour le parti socialiste.

Les résultats du premier tour furent surprenants, encore que !

 BESSE 227 voix, 42.91% ; RIGAUDIèRE 227 voix, 42.91 % ; Jarlier 223 voix 42.16 % ;    DESTANNES 178 voix, 33.65 % ; CHAMPAGNAC 118 voix? 22.31%

 Il fallut donc un second tour ; pour celui-ci, les "grands électeurs" découvrirent que contrairement au premier tour il n'y avait pas de bulletin Besse + Rigaudière  mais un bulletin Besse et un bulletin Rigaudière  ; c'est que dans l'intervalle de midi, l'état major parisien du RPR, après analyse de la situation avait décidé  de sauver   à tout prix le soldat Besse, présdent du Conseil général, en le dissociant de Rigaudière  qui fut ainsi sacrifié et qui ne s'en consola jamais, certains disent même  qui ne s'en remit jamais.

 Les  résultats furent : JARLIER 303 voix 57.82%, élu ; BESSE 232 voix 44.27 % élu ; RIGAUDIERE 211 voix  40,27 % ;  DESTANNES 179 voix 34.16 %.

Une autre remarque s'impose : un certain nombre d'électeurs socialistes donnèrent un de leur vote à JARLIER au premier tour. La consigne avait été discrètement diffusée, nous en avons eu plusieurs témoignages : au premier tour, "votez DESTANNES + JARLIER" ; les résultats parlent d'eux-mêmes : CHAMPAGNAC a obtenu 60 voix de moins, soit 34 %, que son colistier DESTANNES

Au second tour, de nombreux électeurs socialistes votèrent JARLIER. La manœuvre peut se concevoir :  faire battre BESSE qui incarnait le RPR triomphant. Mais il aurait dû y avoir réciprocité, or elle n'avait pas été négociée et  les électeurs de JARLIER ne votèrent pas DESTANNES !

 La réciprocité n'avait pas été négociée tout simplement parce  que SOUCHON, le maître socialiste de l'époque qui avait échoué aux législatives de l'année précédente, aurait souffert de voir qu'un autre socialiste fût  mieux nanti que lui : lui, rien et DESTANNES sénateur, l'idée lui était insupportable.

Pour le scrutin du 21 septembre  2008, ce fut autre chose :

Il y avait uniquement  des candidats solitaires, pas de liste de  deux  candidats : Pierre JARLIER sortant, étiqueté  pour les besoins de la cause UMP, Jacques MEZARD  PRG, Yves COUSSAIN divers droite, Louis Jacques LIANDIER UMP historique, Jacques KLEM Parti socialiste.

 Les résultats du premier tour furent  les suivants :

Pierre JARLIER, 310 voix, élu ; MEZARD, 220 voix 42.39% ; Yves COUSSAIN 129 voix, 24.86% ; Louis Jacques LIANDIER 135 voix, 26.01 % ; Jacques KLEM 124 voiox,  23.89%.

 Personne n'a très bien compris pourquoi la possible  coalition de droite, même s'ils n'étaient pas de la même droite, LIANDIER + COUSSAIN, susceptible de faire tomber MEZARD, avait choisi COUSSAIN comme candidat plutôt que LIANDIER qui le précédait de 11 voix. Mais cela n'aurait rien changé au résultat.  

Le résultat du second tour donna MEZARD 283 voix, 55.85% élu ;  COUSSAIN 224 voix, 44.18%.

Il faut dire que MEZARD avait préparé son coup de longue date et que, bénéficiant du soutien du parti socialiste sans lequel il n'aurait jamais existé, il avait fait une cour éhontée aux élus de droite. Son  intervention du 19 septembre 2008 au conseil général en faveur de sa collègue de droite, de Chaudesaïgues en est une illustration parmi tant d'autres comme cette cérémonie à Paris, avec Zuccarelli, à laquelle il avait convié BESSE.

 Les deux sénateurs du Cantal se congratulèrent, ils avaient chassé du sénat la droite dure, RPR devenu UMP, même si JARLIER par tactique avait enfilé la tunique UMP ce qu'il ne fut jamais !

Pour le scrutin du 28 septembre  2014,

 L'originalité était que qu'il y avait trois prétendants sérieux pour deux places. En effet, les deux sortants se représentaient mais arrivait un troisième larron  sérieux qui n'était autre que le député UMP fraîchement battu, Vincent DESCOEURS, président du Conseil général. Ce dernier, par sa position de président d'une assemblée départementale nantie  d'un "fonds d'aide aux communes" était autant que les deux autres connu des maires du Cantal.

MEZARD, contre lequel  il n'avait pas eu de mots assez durs l'ayant accusé de mener une campagne trop virulente contre lui et en faveur d'Alain CALMETTE pour les législatives de 2012, MEZARD s'était allié à lui pour faire battre JARLIER : tout pour Aurillac, rien pour le Cantal est !

 Résultats du premier tour : MEZARD 303 voix, 57.82%, élu ; JARLIER 271 voix, 51.72%, élu ; DESCOEUIRS 249 voix,  47.52 %  - Gérad SALAT pour le parti socialiste  99 voix, 18.89 %

Les deux sénateurs du Cantal ne se congratulèrent pas !

 NB : Nous manquerions à la vérité historique si nous ne signalions pas qu'à chaque scrutin, sauf un, le Parti communiste présenta courageusement  deux candidats qui obtinrent une vingtaine de voix.

 Pour 2020, il faut signaler la disparition du combinard MEZARD lequel porté par un parti socialiste circonvenu a  eu tout ce qu'il voulait. Il est arrivé ministre, de l'agriculture par erreur dans un premier temps puis aux territoires. Il a terminé son ascension au Conseil constitutionnel. Cette promotion est due  à son intelligence et à sa puissance de travail mais sans doute aussi à son ralliement à MACRON  en 2017.

Tout a réussi à cet homme qui avait des réflexes de droite mais s'était assuré d'une caution de gauche ; il devait se sentir à l'aise dans le flou artistique du  "Ni gauche ni droite" de l'aventurier MACRON.

 Son dernier acte politique cantalien a été d'obtenir que Mme AMALRIC, sa collègue au Conseil municipal, soit en bonne position sur la liste "En marche" aux élections  européennes. L'entreprise réussit : Mme AMALRIC, par le jeu des départs ou changements d'affectation ou de candidatures à d'autres postes, ira vraisemblablement à Strasbourg.

 Par la suite, ladite madame AMALRIC a constitué une liste pour les municipales 2020 à Aurillac  dans le but de faire battre le maire sortant, MATHONNIER, dont elle avait été l'adjointe durant plus de cinq ans. Cette liste ayant obtenu 10% des voix  a  fusionné pour le second tour avec celle de la droite historique de Monsieur  MOINS qui avait obtenu 42% des voix.

Ensemble, ils ont enregistré une défaite retentissante : 42 % + 10 % donnant 40 % à l'arrivée!

 Il paraît que cela a peiné le Conseiller constitutionnel ; on a bien le droit d'avoir du sentiment ! Mais il  aurait  pu disparaître du ciel politique cantalien de manière  plus heureuse !

Cela dit, contrairement à certains propos malveillants, il avait scrupuleusement respecté le droit de réserve inhérent à sa fonction. Il n'était  pour rien  dans la décision de Mme AMALRIC de conduire une liste aux municipales, encore moins  dans la constitution de celle-ci et surtout pas dans la décision de la funeste fusion.

 Adieu… monsieur le Conseiller!..

l'idiot 22.10.2020 16:20

L'érudition de Pierre Amiral notamment en politique locale, fait du bien à lire. Merci Testu, merci Pierre Amiral

Commentaires

20.07 | 23:56

Du bon boulot de journaliste. J'applaudis des 2 mains ! Et j'en redemande.

26.03 | 18:58

Tellement vrai, bien vu. Merci

10.03 | 15:54

Heureusement il y a aussi une majorité de bonnes volontés même si notr...

09.03 | 12:23

Je découvre votre site, bravo j'arrive de la banlieue Parisienne, installé de...