Paroles de la chanson «Mercy»*
Je suis née ce matin
Je
m’appelle Mercy
Au milieu de la mer
Entre deux pays, Mercy
C’était un long chemin et Maman l’a pris
Elle m’avait dans la
peau, huit mois et demi
Oh oui, huit mois et demi
On a quitté la maison, c’était la guerre
Sûr qu’elle avait raison, y’avait
rien à perdre
Oh non, excepté la vie
Je suis née ce matin
Je m’appelle Mercy
On m’a tendu la main
Et je suis en
vie
Je suis tous ces enfants
Que la mer a pris
Je vivrai cent mille ans
Je m’appelle Mercy
Et là devant nos yeux y’avait l’ennemie
Une immensité bleue peut-être infinie
Mais oui, on en connaissait le prix
Surgissant d’une vague, un navire ami
A redonné sa chance
à notre survie
C’est là, que j’ai poussé mon premier cri
Je suis née ce matin
Je m’appelle Mercy
On m’a
tendu la main
Et je suis en vie
Je suis tous ces enfants
Que la mer a pris
Je vivrai cent mille ans
Je m’appelle Mercy
Je suis née
ce matin
Je m’appelle Mercy
Merci, merci, je vais bien merci
Merci, merci, je vais bien merci
Merci, merci, je vais bien merci
Merci, merci,
je vais bien merci
Mercy : clémence , pitié , indulgence
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Lettre ouverte de Yann
Moix
à Emmanuel Macron.
Monsieur le président de
la République, chaque jour, vous humiliez la France en humiliant les exilés. Vous les nommez «migrants» : ce sont des exilés. La migration est un chiffre, l’exil est un destin. Réchappés du pire, ils
représentent cet avenir que vous leur obstruez, ils incarnent cet espoir que vous leur refusez. C’est à leur sujet que je vous écris.
Vous avez affirmé,
dans votre discours de Calais, que «ceux qui ont quelque chose à reprocher au gouvernement s’attaquent à sa politique, mais qu’ils ne s’attaquent pas à ses fonctionnaires.» Je ne m’en
prendrai ici qu’à vous. Et à vous seul.
Je ne suis pas, comme vous dites, un «commentateur du verbe» : je suis un témoin de
vos actes. Quant à votre verbe, il est creux, comme votre parole est fausse et votre discours, double.
J’affirme, M. le Président, que vous laissez perpétrer
à Calais des actes criminels envers les exilés. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République
française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé.
Vous menacez de saisir la justice si les «faits dénoncés» ne sont pas «avérés». Voici donc, monsieur le Président,
les images des conséquences obscènes de votre politique.
Ces actes de barbarie, soit vous les connaissiez et vous êtes indigne de votre fonction ;
soit vous les ignoriez et vous êtes indigne de votre fonction. Ces preuves, si vous les demandez, les voici ; si vous faites semblant de les demander, les voici quand même. Les Français constateront ce que vous commettez en leur nom.
«Je ne peux pas laisser accréditer l’idée que les forces de l’ordre exercent des violences physiques», avez-vous dit. Ajoutant : «Si
cela est fait et prouvé, cela sera sanctionné». D’abord, vous menacez de procès en diffamation ceux qui démasquent votre politique ; ensuite, vous menacez de procédures de sanction ceux qui l’appliquent.
Journalistes, policiers : avec vous, tout le monde a tort à tour de rôle. Les uns d’avoir vu, les autres d’avoir fait. Tout le monde a tort sauf vous, qui êtes le
seul à n’avoir rien vu et le seul à n’avoir rien fait. On attendait Bonaparte, arrive Tartuffe.
Soit les forces de l’ordre obéissent à des
ordres précis, et vous êtes impardonnable ; soit les forces de l’ordre obéissent à des ordres imprécis, et vous êtes incompétent. Ou bien les directives sont données par vous, et vous nous
trahissez ; ou bien les directives sont données par d’autres, et l’on vous trahit.
Quand un policier, individuellement, dépasse les bornes, on appelle
cela une bavure. Quand des brigades entières, groupées, dépassent les bornes, on appelle cela un protocole. Vous avez instauré à Calais, monsieur le Président, un protocole de la bavure.
Quand une police agit aussi unie, pendant si longtemps, elle ne peut le faire sans se plier à un commandement. Est-ce bien vous, monsieur le Président, qui intimez aux policiers l’ordre de déclencher
ces actions souillant la dignité de l’homme ? Vous y avez répondu vous-même : «Dans la République, les fonctionnaires appliquent la politique du gouvernement.»
L’histoire a montré qu’on peut parfois reprocher à un policier de trop bien obéir. Mais elle a surtout montré qu’on doit toujours reprocher à un président
de mal commander, précisément quand le respect humain est bafoué. En dénonçant les violences policières, en cherchant à savoir qui est le donneur de ces ordres, je ne fais que défendre la police, parce
que lui donner de tels ordres, c’est justement porter atteinte à son honneur.
«La situation est ce qu’elle est par la brutalité du monde qui
est le nôtre», dites-vous. Peut-on attendre, monsieur le Président, qu’une situation aussi complexe soit démêlée par une pensée aussi simpliste ? Que des décisions si lourdes soient compatibles
avec des propos si légers ? On attendait Bonaparte, arrive Lapalisse.
Serez-vous plus enclin à l’émotion qu’à la réflexion ? Ecoutez la
voix de ces jeunes qui, fuyant les assassins et la dictature, rançonnés puis suppliciés en Libye, traversent la Méditerranée sur des embarcations douteuses pour accoster, à bout de forces, dans une Europe que vous
défendez par vos formules et qu’ils atteignent par leur courage.
Vous avez osé dire : «Notre honneur est d’aider sur le terrain celles et ceux
qui apportent l’humanité durable dans la République.» Au vu de ce qui semblerait être votre conception de «l’humanité», les associations préfèrent l’aide
que vous leur avez refusée à celle que vous leur promettez. A Calais, on vous trouve plus efficace dans la distribution des coups que dans la distribution des repas.
Ces
associations, monsieur le Président, font non seulement le travail que vous ne faites pas, mais également le travail que vous défaites. Quant à votre promesse de prendre en charge la nourriture, elle n’est pas généreuse :
elle est élémentaire. Vous nous vendez comme un progrès la fin d’une aberration.
La colonisation en Algérie, monsieur le Président, vous apparut
un jour comme un «crime contre l’humanité». Ne prenez pas la peine de vous rendre si loin dans l’espace et dans le temps, quand d’autres atrocités sont commises ici et maintenant, sous votre présidence.
Sous votre responsabilité.
Faites, monsieur le Président, avant que l’avenir n’ait honte de vous, ce qui est en votre pouvoir pour que plus un seul de ces jeunes
qui ne possèdent rien d’autre que leur vie ne soit jamais plus violenté par la République sur le sol de la nation. Mettez un terme à l’ignominie. La décision est difficile à prendre ? On ne vous demande
pas tant d’être courageux, que de cesser d’être lâche.
Saccages d’abris, confiscations d’effets personnels, pulvérisation de sacs
de couchages, entraves à l’aide humanitaire. Tel est le quotidien des exilés à Calais, monsieur le Président. Hélas, vous ne connaissez rien de Calais. Le Calais que vous avez visité mardi dernier n’existe
pas : c’était un Calais pipé ; c’était un Calais imaginaire et vide ; c’était un Calais sans «migrants». Un Calais sur mesure, un Calais de carton-pâte. Le Calais que vous avez visité,
monsieur le Président, ne se trouve pas à Calais.
Le Défenseur des droits a dénoncé, lui aussi, le «caractère exceptionnellement
grave de la situation», qu’il n’hésite pas à décrire comme étant «de nature inédite dans l’histoire calaisienne». Une instance de la République, monsieur le Président,
donne ainsi raison à ceux à qui vous donnez tort. Mais je vous sais capable de ne pas croire vos propres services, tant vous donnez si souvent l’impression de ne pas croire vos propres propos.
Comme on se demande à partir de combien de pierres commence un tas, je vous demande, monsieur le Président, à partir de combien de preuves commence un crime.
Je citerai enfin les conclusions de la «mission IGA-IGPN-IGGN relative à l’évaluation de l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois» d’octobre 2017 – mission qui
dépend du ministère de l’Intérieur : «L’accumulation des témoignages écrits et oraux, bien que ne pouvant tenir lieu de preuves formelles, conduit à considérer comme plausibles des
manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière, principalement à Calais. Ces manquements portent sur des faits de violences, sur un usage disproportionné des aérosols
lacrymogènes, la destruction d’affaires appartenant aux migrants ainsi que le non-respect de l’obligation du matricule RIO [le référentiel des identités et de l’organisation].»
Permettez-moi, monsieur le Président, de traduire cette phrase dans un français non-policier : «Nous croulons sous les preuves de violences policières, notamment de gazages,
mais nous refusons de les considérer comme des preuves au sens strict, car cela risquerait de froisser monsieur le ministre de l’Intérieur, qui serait obligé d’enquêter sur l’épidémie d’anonymat
qui saisit ses troupes au moment de l’assaut contre les migrants.»
Vous dites : «Je ne peux laisser accréditer l’idée que les forces de
l’ordre utilisent la violence.» Les violences vous dérangeraient-elles moins que le fait qu’on les laisse accréditer ?
A l’heure, monsieur
le Président, où vous décrétez ce qui est, ou n’est pas, une «fake news», vous nous rappelez de manière salutaire que vous êtes prompt au mensonge éhonté. On attendait Bonaparte,
arrive Pinocchio.
Je ne sais pas exactement de quoi vous êtes responsable ; je sais seulement en quoi vous êtes irresponsable. Le grand mérite de votre politique,
c’est qu’on peut la voir à l’œil nu.
Surtout à Calais, où tout est fait pour rendre impossible aux exilés l’accès
à l’Angleterre. Non seulement ils n’ont pas le droit de rester, mais ils n’ont pas la possibilité de partir. Que doivent-ils faire ? Attendre qu’on leur brûle la rétine ? Ou bien jouer leur destin en tentant
la traversée ?
Vous menacez en tout, monsieur le Président, des gens qui ne nous menacent en rien. Votre politique ne fait pas que trahir nos valeurs, elle les insulte.
Les mesures antimigratoires sont toujours populaires. Mais voulant faire plaisir à la foule, vous trahissez le peuple.
Le préfet du Pas-de-Calais m’a appelé,
furieux, osant se réclamer de Jean Moulin ; mais Jean Moulin s’est battu pour faire cesser la barbarie, non pour intimider ceux qui la dénoncent. Les exilés sont des victimes. Laissez les martyrs morts en paix ; cesse de faire
la guerre aux martyrs vivants.
Jean Moulin fut supplicié pour une France qui accueille les hommes, pas pour une France qui les chasse. Dites à votre préfet que se
réclamer d’un héros de la Résistance quand, dans sa sous-préfecture, Erythréens, Afghans et Soudanais sont harcelés, délogés, gazés nuit et jour, c’est prendre Jean Moulin en otage.
Et c’est le trahir une deuxième fois.
Ce n’est plus vous qui êtes en marche, monsieur le Président, c’est la vérité. Vous pouvez porter
plainte contre moi pour diffamation ; la postérité portera plainte contre vous pour infamie.
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Le Monde du 10 janvier 2018 : circulaire Collomb,
également
signée Mézard,
point de vue des associations... qui assument sur le terrain.